samedi 22 décembre 2012

Les vrais défis de l'hibernation


Demain je fêterai le deuxième anniversaire de mon installation permanente au buron. Premier constat : contrairement à une certaine hantise initiale sur ma capacité à tenir le coup (j’avais beau en rêver, c’était dur de se décider) et aux angoisses horrifiées de bien des proches et amis, je suis pleinement heureux de mon aventure, je prends vraiment mon pied !
Bien sûr, hiberner dans ces conditions présente un certain nombre de défis. Avec le temps déjà passé j’arrive à mieux les cerner. Non, ce n’est pas le froid. Mon entraînement et mes goûts m’y avaient préparé. Mon équipement et mes approvisionnements s’améliorent peu à peu. Il n’y a plus guère de vent, de courants froids qui circulent. La température intérieure s’est élevée quelque peu et à présent c’est par choix que je chauffe juste le minimum.
Non, ce n’est pas la neige. Je la connaissais à peine mais c’est rapidement que nous apprenons à vivre ensemble. Je savoure autant les tâches quotidiennes de faire la trace ou de dégager les panneaux solaires ou quelque fenêtre que les lumières, les formes et les spectacles virevoltants qu’elle m’offre.
Non, ce n’est pas l’isolement. D’abord il est très relatif puisque le hameau du Perrier, avec sa route et ses amis, n’est qu’à quelques centaines de mètres. Et la solitude est quand même un des grands plaisirs de l’hibernation. Surtout avec les lectures dont on me gâte, par exemple la collection des dix premières années de la revue (à suivre). De plus, depuis que j’ai acquis un smartphone, je peux m’informer et lire mes messages depuis le buron même.
Un des deux défis qui se posent vraiment c’est celui de la santé. J’ai la chance que la mienne soit de fer. Mon seul incident depuis mon installation est une crève intervenue au début de cet automne. Je fonctionne très bien avec ma prévention à base de produits naturels. Mais, pour l’hibernation, il y a quand même une exigence majeure : la marche à pied puisqu'il n’y a plus d’accès en voiture. Je surveille mes hanches et mes chevilles. Pour l’instant ça tient !
En fait le défi majeur c’est… la technologie ! Car là c’est grave ! Les diverses améliorations de la vie moderne requièrent un minimum d’habiletés qui me fuient désespérément. C’est ainsi que tous ces artefacts supposés rendre le quotidien lus agréable ont dans mon chez moi le virus de la panne, soit parce que j’ai déconné soit parce qu'ils ont besoin de quelques soins qui me dépassent.
Le solaire ? J’ai réussi à bousiller mon convertisseur à 220 volts et mes deux batteries ; je n’ai donc que peu d’heures de lumière et je ne peux plus recharger téléphone et ordi. J’ai renoncé depuis l’hiver dernier à faire marcher mon chauffe-eau à gaz. Après un dernier sursaut de quatre mois, mon groupe électrogène chinois vient de m’abandonner la semaine passée Je n’ai pas su redémarrer le petit frigo qui m’a accompagné deux étés… Et je ne veux plus réquisitionner les amis bricoleurs de passage : ils finiraient par craindre de venir me voir.
Alors ? Pour le groupe et les batteries solaires, je suis en train d’en racheter. Pour le reste ? Eh bien, il suffit de réapprendre à vivre sans. Passant par ici cet été, Damien le guide expliquait à son groupe ma permanence qu’il qualifiait de « spartiate ». Ce qui n’est pas le cas puisque je fais  bombance d’émois et même souvent de chère et de breuvage. En moi-même j’avais pensé que « frugal » serait plus exact. A présent que mon voisin Jean-Baptiste m’a prêté une lampe-tempête et m’a appris à l’utiliser, je m’incline vers l’adjectif « rudimentaire » ; il existe des technologies rudimentaires qui peuvent m’être utiles, car je suis… technologiquement très rudimentaire !
Las Fayas, le jedi 20 décembre 2012

lundi 3 décembre 2012

Un automne en parfum mauresque



Mardi soir j’ai descendu l’ami Duster au parking de la voie forestière. Jeudi midi, au vu de la neige déjà tombée et de celle annoncée, je l’ai conduit plus loin, jusqu’au bitume du Perrier, là où commence l’entretien municipal des voies. Hier vendredi, j’ai terminé les dernières bûches de vieux bois et j’ai attaqué les réserves prévues pour cet hiver-ci. Oui, l’hiver est là, aucun doute.
Un peu trop tôt, comme toujours, encore que nous ayons eu un mois de rab par rapport à certaines années. Mais ce n’est pas l’hiver qui vient trop vite, c’est plutôt l’automne qui ne dure pas assez. Il restait tant à faire !
Ce fut mon premier automne complet aux Fayes. Bien sûr placé sous le signe du bois de feu et des provisions pour l’hiver. Tout d’abord il fallait fendre les bûches débardées avec Jean-Baptiste à l’été. Un casse-bois nous facilita le travail mais… nous en avions jusqu’au cou.
Ensuite il fallait l’entasser pour l’hiver, ce qui suppose de faire place nette et donc de ranger celui qui était déjà sec. Je ne voulais pas augmenter le capharnaüm de la grange alors que les terrassements du printemps m’avaient enfin offert la place pour un bon abri à bois et à outils, en pignon ouest.
Christophe le nouveau venu dans nos montagnes accepta de m’aider de ses arts et nous en avons pris pour… deux mois.
Car, entre les plans et l’attente de la livraison des matériaux, il se passa déjà quelques semaines. Et puis, quand je dis que Christophe « m’aida », ce fut plutôt le contraire, c’est moi qui collaborai. Sans électricité, donc sans outils modernes, on n’avance pas aussi vite. Surtout quand l’un des deux membres de l’équipe n’est qu’un vague apprenti vieillissant. Surtout quand l’autre membre de l’équipe apporte ses délires (ou délices ?) de perfection charpentière.
Un matin je m’éveillai ébahi : la structure encore dénudée de nos poteaux, entraits, chevrons, poutres et autres évoquait plus les magnificences des constructions réalisées autrefois par les compagnons que mes besoins d’un simple abri. « C’est une cathédrale que tu nous fais ! » L’enfoiré m’enfonça d’autant plus : « Tu pourrais en faire une terrasse vitrée. » Je mis une semaine à m’en remettre, une semaine pendant laquelle je délirai à mon tour sur les possibilités d’usages futurs. Il faut dire qu’en surplomb (couvert !) d’automne sur un paysage de feuilles rutilantes, ou bien tombantes pour ouvrir les vastes horizons d’hiver, l’endroit se prêtait à tous les rêves. Enfin je repris le dessus et nous reprîmes nos travaux.
En dehors de cet égarement passager, j’en ai gardé deux émois merveilleux. Tout d’abord celui de mes apprentissages. Moi qui n’ai aucune confiance dans mes aptitudes de bricoleur, j’ai réappris à scier droit à l’égoïne, je me suis mis à manier le ciseau à bois, à sculpter des tenons, à entreprendre la nouvelle visseuse à batterie, à… Quelle secousse pour mes blocages ! Quelle découverte !

Et puis quels moments de partage avec ce maître de stage qui m’était tombé du ciel ! Le bouillon de soupe aux choux du midi, les conversations, les silences de contemplation ou de méditation. Avec un début de tradition : l’apéro du soir en mauresque sous les lueurs du couchant. J’ai même pensé baptiser mon abri (puisque bardé il ne fait plus cathédrale) « la Mauresque ». Mais non, ce sera « l'abristophe ». C’est plutôt cet automne qui restera comme celui de « la mauresque ».
Las Fayas, samedi 1er décembre 2012
Note : l’obsession de traduire dans les deux langues a fini par me bloquer. Donc, depuis novembre, il n’y a plus de correspondance exacte entre le blog français et celui en espagnol. Avis aux amateurs !