jeudi 31 janvier 2013

De l’exil en France au quotidien avec des français


En cette fin 2012 j’ai réveillonné ! A la salle des fêtes de Valcivières que les amis avaient réservée pour partager le moment. Oh, ce n’était pas tant la festivité qui m’intéressait (quand on ne sait pas danser à vingt ans, on n’a plus guère d’illusions en la matière) mais l’opportunité de rencontrer tant de voisins que je croise éventuellement mais que je ne connais pas vraiment.
Première surprise : j’y ai pris mon pied et je suis resté jusqu’à trois heures du matin ! Deuxième surprise, quelques jours plus tard j’ai commencé à prendre conscience d’un fait essentiel : je vis avec des français !!! Et c’est la première fois depuis beaucoup plus de quarante ans.
Depuis qu’après mon premier séjour sud-américain de quelques mois j’avais découvert que je ne pouvais pas être à cheval sur les deux continents, qu’il me fallait choisir entre l’Europe et l’Amérique Latine, donc qu’il me fallait m’amputer d’une partie de moi-même pour mieux vivre celle qui me resterait. J’avais opté pour cette terre lointaine qui correspondait mieux à mes valeurs et à mes rêves.
Lors de quelques retours temporaires forcés par les contextes politiques et même lors de la réinstallation définitive de la famille en France, je ne partageais guère la vie française ; bien sûr j’avais des amis et de la parentèle que j’aimais côtoyer ; mais sinon je me sentais comme en terre d’exil, j’y « séjournais » le moins possible et je continuais à travailler et savourer en Amérique Latine.
Puis Les Fayes m’ont ravi à l’Amérique Latine, elles m’ont rapatrié. C’est le paysage naturel et historique qui m’avait charmé et au cours de ces deux dernières années j’ai senti que peu à peu je cessais d’y être « visiteur » pour m’incorporer à ce paysage, en faire partie. Et voilà qu’à présent c’est Valcivières qui me conquiert, c’est son paysage social qui me captive et m’appelle à m’intégrer. Pourquoi ? Je crois que ce sont surtout deux éléments : la diversité de peuplement et une ambiance.
La diversité des origines et des âges est assez exceptionnelle : la souche auvergnate s’est enrichie depuis cinquante ans, lorsque les jeunes émigrèrent et les terres furent abandonnées ou ensapinées, avec l’apport de groupes séduits soit par le paysage naturel et traditionnel, soit par les prix des maisons, entre les moins chères de France alors, soit par les deux. Résidences secondaires ou burons, rescapés des communautés néo-rurales des années soixante-dix, retraités de retour à leurs sources ou installés près de leur ancien lieu de travail, et aujourd’hui de plus en plus de jeunes couples avec enfants… Tout cela préservé par l’isolement et les rigueurs du relief et du climat.
En même temps, portée surtout par les pionniers des anciennes communautés néo-rurales, l’ambiance diffère radicalement des insipides coins à touristes, des étouffantes « colonies » étrangères ou secondaires, des réserves sectaires : ici, sauf exceptions, on ne cherche pas à faire fortune mais on cultive la vie, culturelle, économique, solidaire, on apprécie la qualité de vie dans une certaine frugalité.
Je m’étais amputé autrefois ? A présent je me répute ! Car ce n’est plus choisir. Rien ne me quittera jamais l’Amérique Latine, j’y rajoute la France.
Neige légère: splendeur debout
Neige lourde et collante: à genoux!
Couchant sur brume: couleurs
Sans brume: voisinages
Vous comprendrez donc que je me sente à l’aise aux Fayes, à Valcivières, dans l’ensemble de cette contrée, que je me laisse amadouer, que j’en arrive à apprécier un quotidien avec des français, que je ne sois plus en exil. Vous comprendrez aussi que les plus belles images pour décrire ce paysage social et accompagner ce billet, ce soient celles… du paysage naturel en hiver, sa diversité, ses acrobaties et ses gemmes de couleur sous la neige…
Le lundi 28 décembre 2013 aux Fayes