En cette fin 2012 j’ai réveillonné ! A la salle des
fêtes de Valcivières que les amis avaient réservée pour partager le moment. Oh,
ce n’était pas tant la festivité qui m’intéressait (quand on ne sait pas danser
à vingt ans, on n’a plus guère d’illusions en la matière) mais l’opportunité de
rencontrer tant de voisins que je croise éventuellement mais que je ne connais
pas vraiment.
Première surprise : j’y ai pris mon pied et je suis
resté jusqu’à trois heures du matin ! Deuxième surprise, quelques jours
plus tard j’ai commencé à prendre conscience d’un fait essentiel : je vis
avec des français !!! Et c’est la première fois depuis beaucoup plus de
quarante ans.
Depuis qu’après mon premier séjour sud-américain de
quelques mois j’avais découvert que je ne pouvais pas être à cheval sur les
deux continents, qu’il me fallait choisir entre l’Europe et l’Amérique Latine,
donc qu’il me fallait m’amputer d’une partie de moi-même pour mieux vivre celle
qui me resterait. J’avais opté pour cette terre lointaine qui correspondait mieux
à mes valeurs et à mes rêves.
Lors de quelques retours temporaires forcés par les
contextes politiques et même lors de la réinstallation définitive de la famille
en France, je ne partageais guère la vie française ; bien sûr j’avais des
amis et de la parentèle que j’aimais côtoyer ; mais sinon je me sentais
comme en terre d’exil, j’y « séjournais » le moins possible et je continuais
à travailler et savourer en Amérique Latine.
Puis Les Fayes m’ont ravi à l’Amérique Latine, elles
m’ont rapatrié. C’est le paysage naturel et historique qui m’avait charmé et au
cours de ces deux dernières années j’ai senti que peu à peu je cessais d’y être
« visiteur » pour m’incorporer à ce paysage, en faire partie. Et voilà
qu’à présent c’est Valcivières qui me conquiert, c’est son paysage social qui
me captive et m’appelle à m’intégrer. Pourquoi ? Je crois que ce sont
surtout deux éléments : la diversité de peuplement et une ambiance.
La diversité des origines et des âges est assez
exceptionnelle : la souche auvergnate s’est enrichie depuis cinquante ans,
lorsque les jeunes émigrèrent et les terres furent abandonnées ou ensapinées,
avec l’apport de groupes séduits soit par le paysage naturel et traditionnel,
soit par les prix des maisons, entre les moins chères de France alors, soit par
les deux. Résidences secondaires ou burons, rescapés des communautés néo-rurales
des années soixante-dix, retraités de retour à leurs sources ou installés près
de leur ancien lieu de travail, et aujourd’hui de plus en plus de jeunes
couples avec enfants… Tout cela préservé par l’isolement et les rigueurs du
relief et du climat.
En même temps, portée surtout par les pionniers des
anciennes communautés néo-rurales, l’ambiance diffère radicalement des insipides
coins à touristes, des étouffantes « colonies » étrangères ou
secondaires, des réserves sectaires : ici, sauf exceptions, on ne cherche
pas à faire fortune mais on cultive la vie, culturelle, économique, solidaire,
on apprécie la qualité de vie dans une certaine frugalité.
Je m’étais amputé autrefois ? A présent je me
répute ! Car ce n’est plus choisir. Rien ne me quittera jamais l’Amérique
Latine, j’y rajoute la France.
Neige légère: splendeur debout |
Neige lourde et collante: à genoux! |
Couchant sur brume: couleurs |
Sans brume: voisinages |
Vous comprendrez donc que je me sente à l’aise aux Fayes,
à Valcivières, dans l’ensemble de cette contrée, que je me laisse amadouer, que
j’en arrive à apprécier un quotidien avec des français, que je ne sois plus en
exil. Vous comprendrez aussi que les plus belles images pour décrire ce paysage
social et accompagner ce billet, ce soient celles… du paysage naturel en hiver,
sa diversité, ses acrobaties et ses gemmes de couleur sous la neige…
Le lundi 28 décembre 2013 aux Fayes