vendredi 29 novembre 2013

Moins dix : comment avoir chaud au buron ?

Avant de parler de froid, quelque réjouissance d'automne depuis le siège-hamac nicaraguayen

Sept heures ce matin, les lueurs annonciatrices du jour auraient dû me lever de suite mais je savourais le bien-être douillet de mon lit… dans la chambre du haut, en buron car cet éveil était prometteur : le niveau grange est devenu habitable en hiver. C’est la première année que je peux dormir à l’étage.
Toute la nuit le vent avait soufflé, en rafales violentes qui, auparavant, s’infiltraient et circulaient gaiement mais froidement : cette fois-ci, pas le moindre souffle autour de mon lit. Alors je pensais à « mon grand », le Jean-Claude qui, il y a près de dix ans, avait sauvé le bâtiment en lui offrant un toit, puis en le protégeant de l’eau qui sourd un peu partout dans nos montagnes, puis… En 2013 il venait de peaufiner l’isolation, du toit par en bas et par en haut, des murs et pignons qu’il avait rejointoyés. C’est gagné : j’ai une chambre à l’année.
C’est ainsi que je vis au quotidien, ce qui me réchauffe c’est la présence fraternelle de tous ceux qui sont intervenus peu à peu, au gré de nos envies, de mon budget, de leur disponibilité, pour que cette maison et son intérieur accueillent mes jours et mes nuits. Et c’est une très douce sensation que d’être hébergé dans un cadre où le sentiment prédomine sur le matériel, où chaque objet me rappelle quelqu’un, quelque amitié, quelque solidarité.
Car si le Jean-Claude est le premier de mes « faiseurs de buron », ils sont nombreux ceux qui forment cette confrérie. Je me suis levé et j’ai marché sur le tapis de Lydie et sous le plafond du Tophe (celui de l’abri à bois). Je suis allé vérifier la charge des batteries pour l’installation solaire faite par mon gendre Jorge. Puis j’ai dégivré la grande porte-fenêtre de Léon afin de recevoir le paysage du terrain communal.
J’ai descendu l’escalier du Tío Julio, suis passé devant la salle de bains cadeau de Jorge, une porte peinte par ma fille Yara, et suis entré dans la salle-de-vie. Un coup d’œil par la fenêtre à double vitrage et donc transparente : moins dix. J’ai inversé l’ordre des priorités habituelles (cette température est un facteur de désordre !) et j’ai tout de suite rallumé le Thierry inséré dans ma cheminée… et là j’ai perdu le fil de mon pèlerinage : cette pièce est tellement chargée de noms, de pensées, de souvenirs, qu’un inventaire relèverait d’un comptable et non plus d’un conteur !
Aujourd’hui je n’économise pas le fayard pour regagner rapidement les plus quinze en intérieur mais j’avoue que, si bien c’est un peu pour moi, c’est surtout pour rassurer les amis que mon goût de la fraicheur préoccupe et qui craignent de venir s’y frigorifier, disent certains. Il faut que je m’habitue. Quant à moi, avec quelque bois de feu et beaucoup de ces témoignages de mes faiseurs, je suis au chaud, dans ma bulle.
Bien sûr, j’apprécie les radiations matérielles mais ce n’est pas là le plus important. Un cœur tout chaud dans une maison fraîche vaut mieux qu’un cœur transi dans une maison confortable. C’est sans doute pour cela que je n’avance qu’à petits pas dans ma nouvelle amélioration, un sas en rideaux pour la porte d’entrée au sud.
Il y a deux mois le Tophe a posé l’étagère qui soutiendra la bête et m’a offert des rideaux tissés. Il y a quelques semaines Martine m’a trouvé le matériel isolant qui les complètera. Puis Janine s’est proposée pour la couture qui assemblera le tout. En prenant mon temps, je transforme un objet, un simple sas, en toute une aventure humaine, sociale, affective. Avant qu’il ne soit posé, je suis déjà réchauffé ! Après, je me réjouirai encore en mesurant son impact sur la température de la pièce…

Las Fayas, le mercredi 27 novembre 2013
Après le chaud, d'autres réjouissances, les visites. Ici Janine et ses copines en couleurs d'automne