La fin février est, comme presque chaque année,
l’occasion d’une vie sociale plus intense. Les vacances scolaires apportent
leur lot de voisins venus se dégivrer dans les burons des moiteurs de vies plus
urbaines et se retrouver en partages de raquettes, balades, tables garnies et
causeries soit sérieuses soit nostalgiquement gaillardes.
C’est pour moi une sorte de retour sur terre après
l’hibernation qui peut être parfois languissante et qui fut cette fois
extrêmement réjouissante. Retour sur terre dans la mesure où cela se traduit
par un retour au calendrier : les jours de la semaine retrouvent un sens,
les réveils un programme établi, les journées un horaire, les mots des
interlocuteurs. Avec, étrangement, une certaine continuité animale ce mois-ci
puisque mes récentes lectures arctiques se sont vues proposer des titres
souvent dans la même veine avec, en provenance de Nantes, un lièvre (celui du
Vatanen de Paasilinna) et un pingouin (celui de Kourkov), et, de la part
d’Uzès, un loup et de vieilles hulottes. Je ne serai pas dépaysé.
Non pas que j’en aie aperçu beaucoup des animaux ces
temps-ci car la neige a fait un retour en force à la mi-janvier. Les abondantes
grives de fin d’année ont disparu avec les dernières graines de sorbiers, qui
furent fort abondantes. Le passage des bouvreuils fut rapide. J’ai entendu aboyer
quelques chevreuils mais n’en ai vu qu’un. Un renard m’a salué un matin.
Quelques traces m’ont intrigué mais moins que d’ordinaire.
En fait, ce fut l’hibernation parfaite. Plus d’un mois
sans descendre faire de courses à Ambert, sans allumer l’ordi plus que tous les
dix ou quinze jours, sans sortir presque de mon petit territoire, avec un bon
feu et avec… mes visiteurs rituels. Evidemment il y a mon voisin Jean-Baptiste,
quand un bon soleil et l’état des routes l’éclatent par ici. Il y a aussi le
Tophe de mon abri qui, depuis le hameau des Versades, traverse à pied, en
neige, en un ou en deux. J’ai même reçu ma fille Yara et son compagnon Daniel.
Surtout, il y a Yank, l’apiculteur du Perrier, que sa
chienne Gaïa entraîne régulièrement dans la montagne et qui lui autorise souvent
une pause-café dans mes murs. Je commence à bien connaître Gaïa et je deviens
capable de prévoir les arrivées et donc de m’entraîner à dérailler ma voix
oubliée et d’accommoder le moment du café chaud.
Cat et Yank en terrasse d'hiver |
Cette année, cerise sur le gâteau, j’ai même eu la
surprise de montées en couple du Perrier : Maryse et Jean-Claude
d’abord ; Cat et Yank ensuite. C’est dire que l’hiver est doux. C’est dire
que la montagne est belle. C’est dire que la vie a du goût.
La neige est une des clés de ce goût, de cette beauté.
Elle m’a même décidé à ressortir l’appareil photo. Je ne voulais pas m’enfermer
dans la routine facile des paysages enneigés. En fait, depuis le moment, en
juin en Amazonie péruvienne, où j’avais dû choisir entre la photo et le vrai
plaisir du moment, j’avais une certaine résistance à mettre en boîte des lieux et
des instants que j’aime mais dont je ne sais pas rendre l’âme dans l’image.
Comment ne pas devenir contemplatif? |
Ces bois tordus, quel guignol ! |
Ce qui m’a décidé, c’est le hamac de neige. Le hamac,
c’est connu, c’est pour se prélasser au soleil. Cette fois, j’étais si enjoué
par mes contemplations qu’un jour j’ai sorti le siège-hamac pour mieux en
profiter. Et j’ai découvert que c’est génial car il est très facile à
suspendre, à décrocher, à sécher. Je l’ai adopté. J’ai mon hamac des neiges. Il
est vieux, il vient du Nicaragua. Je l’ai copié en photo. Il faudra qu’un jour
je le baptise au rhum.
Les Fayes du Perrier à Valcivières, le mercredi 26 février 2014