C’est vrai, j’en tiens une
couche : je passe sans doute plus de temps à entretenir espaces
et chemins de l’entour qu’à aménager mon propre terrain. Mais
qu’est.ce que j’y prends mon pied ! Ce qui vient de
m’arriver il y a dix jours en est une excellente illustration.
Tout avait commencé en alternance
et émulation avec Daniel. En mai je découvrais une petite
inondation à l’entrée de la voie conduisant au château d’eau
des Chaumettes: probablement une ancienne canalisation (un “canard”)
bouchée. J’en avais entendu parler. J’ai cherché son point de
départ mais sans succès. Alors j’ai appelé Daniel, le voisin
buronnier qui a fait le principal de l’entretien dans ce coin
depuis des années. Avec ses indications j’ai continué ma quête,
creusant à divers endroits le long du fossé en grande partie
obstrué. En vain.
En juin, Daniel est venu, a retrouvé
la source du mal et a fait une première réparation provisoire. Dès
que j’ai pu, après la mi-juin, je suis monté nettoyer les abords
pour faciliter le travail estival de remise en état des lieux. Quand
j’arrivai sur place, Daniel venait d’y repasser et de
débroussailler la zone la plus proche. Stimulé j’ai continué
plus loin. La semaine suivante, partant faire mes courses à Ambert,
voilà que je rencontre Daniel qui en remettait une couche, encouragé
de ne plus être seul à affronter. Emoustillé à mon tour, le
dimanche 3 juillet j’arrivais pour compléter. C’est là que j’ai
dérapé…
Allant au delà du simple labeur
utilitaire, Daniel s’était éloigné du fossé lui-même et avait
taillé des genêts envahissants, aménageant l’espace de vie
commun. C’était la plus belle des invitations. Je me suis lancé à
refaire une beauté à la principale croisée de chemins, celui qui
grimpe au Plateau des Egaux et celui qui conduit au Gros Rocher.
Taillant, élaguant, désherbant, je me réjouissais d’accueillir à
nouveau la lumière, la vue, les possibilités de se poser et de
savourer.
Se poser? Il y a cette énorme
pierre plate à cinq mètres, à droite en direction du Gros Rocher;
j’y songe depuis longtemps. J’ai bifurqué et je me suis attelé
à adapter ce recoin, à le rendre attirant. Jusqu’à vingt heure
trente je n’ai pas réussi à m’arrêter, me nourrissant du
plaisir possible de ces gens qui randonnent sur nos sentiers. Et
puis, dans mon coeur, je le baptisai “Coin pique-nique Héloïse”
car je rêvais d’égayer ainsi les séjours en cyberburon de la
petite fille avec papa Tophe.
Lundi j’étais de retour en milieu
de matinée car, en face, l’état lamentable d’un fossé
embroussaillé gâchait le paysage. Après l’avoir débarrassé des
repousses de genêts, de saules, de bouleaux, j’allais couper
l’herbe quand… le défilé a démarré: deux bus, trois classes
élémentaires du Livradois, arrivaient, s’installaient à la
croisée, décidaient d’y pique-niquer tandis qu’ils visitaient
le cyberburon, témoin de l’estive d’autrefois.
C’est ainsi que j’ai eu la plus
belle des récompenses que je pouvais imaginer: à peine conçu, le
coin pique-nique était envahi d’enfants et de leurs
accompagnateurs, de cris, de rires, de vie. Et même d’un partage
nouveau car Lucas est venu me proposer son aide pour entasser les
branches que je coupais, rejoint presque aussitôt par d’autres de
ses petits camarades. Quelle inauguration !
Imaginez mon émotion. D’ailleurs
j’ai demandé à Christophe Gathier, organisateur et guide de cette
échappée scolaire, de m’envoyer pour vous une photo de l’instant.
Imaginez aussi toutes ces idées et
envies qui depuis tournent dans ma tête. C’est quoi un
intraterrestre ? Je ne peux pas (encore ?) répondre à ce
défi de début d’année. Mais je suis convaincu qu’une condition
indispensable c’est de ne pas venir en propriétaire,en
possédant,en dominant et, au contraire, de se poser en invité, de
mériter son écuelle, d’apporter son écot au commun. Alors les
murs reculent, les frontières de la “propriété” se diluent, on
appartient au tout, on s’inclut dans les partages avec toutes les
formes de vie, on s’ouvre, on reçoit, on exulte...
Les Fayes de Valcivières, le
mardi 12 juillet 2016