mercredi 14 septembre 2011

5. A la chaleur du feu et des sentiments

Mon premier hiver au buron fut riche en réjouissances de toutes sortes mais également empreint d’une angoisse inévitable : le froid. Je n’étais pas préparé. Bien sûr, personnellement je pouvais compter sur mon entraînement, je connaissais ma capacité à m’adapter aux températures basses, même si je n’avais pas de vraie expérience de la neige. Mais je n’avais pas de bois de feu, ni en quantité ni en qualité, comme pour bien tenir plusieurs mois ; la maison avait été sauvée de la ruine et divers travaux la préservaient mieux de l’humidité, mais aussi bien les vieux murs de pierre que ce qui restait des anciennes portes et fenêtres, ainsi que les nouvelles surfaces de toit et plancher, manquaient de finitions et l’air glacé pénétrait de partout.

Voilà pourquoi c’est « apprentissage de la survie » que j’avais intitulé le journal de mes aventures. Ma « chance » était qu’il est facile de calfeutrer les trous de la pièce principale, autour de la cheminée, qui devint cuisine, salle à manger, salon, bureau et chambre. De plus un climat bénin m’a bien aidé. Je n’ai pas vraiment souffert du froid et j’ai bien pris mon pied.

Le prochain hiver, mon deuxième, ne sera plus de « survie » et ce ne sera pas une question de « chance ». Entre autres parce que le Thierry fonctionne… depuis hier. Sur la photo on peut voir l’éclat des premières flammes. Au cas où, le Thierry est à gauche. A droite c’est « ·Thierry » tout court. Dansant entre mes deux langues, perdu au milieu de termes techniques que ma mémoire agonisante se refuse à engranger, j’ai pris l’habitude d’offrir un nom propre aux divers objets nouveaux pour moi qui s’incorporent à ma vie actuelle. Souvent c’est le nom de la marque ou du modèle. Dans ce cas-ci, puisque j’ai adopté l’insert que Thierry allait porter à la déchetterie, je l’ai baptisé du prénom de son parrain et installateur.

De cette façon Thierry, voisin de la fée Lydie, devient membre de la confrérie de mes « faiseurs », les faiseurs du buron, ces personnes qui m’ont régalé de leurs arts pour que la vie ici soit plus confortable, plus joyeuse, plus harmonieuse. Ils sont plusieurs et j’en parlerai une autre fois.

Avec leurs arts ? Oui, mais pas seulement. Avec leurs sentiments aussi. A la base il y a toujours une tendresse spéciale : un amour de ces montagnes, leurs ambiances, leurs paysages ; ou bien de l’affection pour moi ; ou bien les deux à la fois dans certains cas.

C’est là quelque chose qui me réjouit en permanence : rien ici n’est impersonnel, rien ne se limite à être un « objet », à simplement répondre à un besoin matériel ou autre. Tout a une histoire, une vie ; tout me relie aux présences et aux gens d’avant, de maintenant, de demain. C’est une des raisons pour lesquelles je ne suis jamais seul : je partage quotidiennement avec mes « faiseurs ».

Peut-être la clé vient-elle de ce que je n’ai ni plans ni modèle de comment aménager cette maison. Je laisse naître envies, idées et rêves ; je prépare conditions matérielles ou financières ; puis je me restreins à cultiver les opportunités, à concerter envies, idées et rêves de ceux qui ont la tendresse et savent faire ; je laisse faire à leur manière. Comme dans mes livres des temps récents : je suis le fil conducteur entre des auteurs que j’accueille et stimule sans leur imposer de cadrage.

Pourquoi donc ? Pour me réchauffer de moments comme celui de cette photo.  Lydie m’a apporté son rêve d’insert, l’a rendu possible, l’a accompagné. Et là, nous sommes tout radieux tous les trois ! Au cas où, Lydie est à gauche, c’est le Thierry qui est au centre…

Les Fayes, le lundi 12 septembre 2011

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