Mardi soir j’ai descendu l’ami Duster au parking de la
voie forestière. Jeudi midi, au vu de la neige déjà tombée et de celle
annoncée, je l’ai conduit plus loin, jusqu’au bitume du Perrier, là où commence
l’entretien municipal des voies. Hier vendredi, j’ai terminé les dernières
bûches de vieux bois et j’ai attaqué les réserves prévues pour cet hiver-ci.
Oui, l’hiver est là, aucun doute.
Un peu trop tôt, comme toujours, encore que nous ayons eu
un mois de rab par rapport à certaines années. Mais ce n’est pas l’hiver qui
vient trop vite, c’est plutôt l’automne qui ne dure pas assez. Il restait tant
à faire !
Ce fut mon premier automne complet aux Fayes. Bien sûr
placé sous le signe du bois de feu et des provisions pour l’hiver. Tout d’abord
il fallait fendre les bûches débardées avec Jean-Baptiste à l’été. Un
casse-bois nous facilita le travail mais… nous en avions jusqu’au cou.
Ensuite il fallait l’entasser pour l’hiver, ce qui
suppose de faire place nette et donc de ranger celui qui était déjà sec. Je ne
voulais pas augmenter le capharnaüm de la grange alors que les terrassements du
printemps m’avaient enfin offert la place pour un bon abri à bois et à outils,
en pignon ouest.
Christophe le nouveau venu dans nos montagnes accepta de
m’aider de ses arts et nous en avons pris pour… deux mois.
Car, entre les plans et l’attente de la livraison des
matériaux, il se passa déjà quelques semaines. Et puis, quand je dis que
Christophe « m’aida », ce fut plutôt le contraire, c’est moi qui
collaborai. Sans électricité, donc sans outils modernes, on n’avance pas aussi
vite. Surtout quand l’un des deux membres de l’équipe n’est qu’un vague
apprenti vieillissant. Surtout quand l’autre membre de l’équipe apporte ses
délires (ou délices ?) de perfection charpentière.
Un matin je m’éveillai ébahi : la structure encore
dénudée de nos poteaux, entraits, chevrons, poutres et autres évoquait plus les
magnificences des constructions réalisées autrefois par les compagnons que mes
besoins d’un simple abri. « C’est une cathédrale que tu nous fais ! »
L’enfoiré m’enfonça d’autant plus : « Tu pourrais en faire une
terrasse vitrée. » Je mis une semaine à m’en remettre, une semaine pendant
laquelle je délirai à mon tour sur les possibilités d’usages futurs. Il faut
dire qu’en surplomb (couvert !) d’automne sur un paysage de feuilles
rutilantes, ou bien tombantes pour ouvrir les vastes horizons d’hiver,
l’endroit se prêtait à tous les rêves. Enfin je repris le dessus et nous
reprîmes nos travaux.
En dehors de cet égarement passager, j’en ai gardé deux
émois merveilleux. Tout d’abord celui de mes apprentissages. Moi qui n’ai
aucune confiance dans mes aptitudes de bricoleur, j’ai réappris à scier droit à
l’égoïne, je me suis mis à manier le ciseau à bois, à sculpter des tenons, à entreprendre
la nouvelle visseuse à batterie, à… Quelle secousse pour mes blocages !
Quelle découverte !
Et puis quels moments de partage avec ce maître de stage
qui m’était tombé du ciel ! Le bouillon de soupe aux choux du midi, les
conversations, les silences de contemplation ou de méditation. Avec un début de
tradition : l’apéro du soir en mauresque sous les lueurs du couchant. J’ai
même pensé baptiser mon abri (puisque bardé il ne fait plus cathédrale)
« la Mauresque ». Mais non, ce sera « l'abristophe ». C’est
plutôt cet automne qui restera comme celui de « la mauresque ».
Las Fayas, samedi 1er décembre 2012
Note : l’obsession de traduire dans les deux langues a fini par me
bloquer. Donc, depuis novembre, il n’y a plus de correspondance exacte entre le
blog français et celui en espagnol. Avis aux amateurs !
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