Il est bien loin le temps des hantises lorsque,
impressionné par les voix qui cherchaient à me prévenir contre moi-même–
« Tu ne vas quand même pas passer l’hiver là-haut ! » -,
j’appréhendais la longue parenthèse, ses neiges, ses températures, ses
difficultés d’approvisionnement. L’expérience et les réserves aidant, c’est
avec délectation que j’ai entamé cette cinquième saison en hivernage de
montagne.
De fait, je l’attendais, j’en avais envie. Pour la pause
qu’elle apporte dans l’année, l’occasion de retrouver plus de solitude et moins
de sollicitations en travaux et visites. Egalement pour assouvir ma soif
renaissante de partages en écrits.
Dès la première neige, début novembre, je créais un
fichier destiné aux nombreuses pages dans lesquelles j’espère me délivrer des
émois et témoignages d’ermitant. La blancheur n’a pas duré et je suis reparti
en chemins à aménager ou à parcourir. Dès le rebond hivernal de fin décembre,
je créais un nouveau fichier avec le même propos mais en espagnol cette fois
car j’avais supposé que mon manque de persévérance était peut-être dû à la
langue, aux complicités différentes que cultive chacune.
J’avais d’ailleurs essayé de m’inventer un rythme :
les quatre heures d’hibernation à partir de l’aube ne sont guère propices aux
extérieurs car l’éventuel soleil tarde à dépasser la montagne à l’est et à
réchauffer l’air et pourraient accueillir les mots d’intérieur. Mais…
Il semblerait qu’une cause première c’est que…
l’hibernation a du mal à démarrer. Comment rester enfermé devant un écran alors
que de merveilleuses journées ensoleillées affole tous les sens ?
Ajoutez-y quelques déboires occupants et préoccupants dans mes récentes
tentatives de faire venir mes potions magiques depuis l’Amazonie et vous aurez
les raisons des feuilles même pas blanches, inexistantes.
Cependant je persiste. Ce matin il neigeotte et j’en
profite pour me remettre en quête de mes voix dévoyées, avec un passage au blog
à manière d’apéritif car j’ai d’abord besoin d’écouler mes sensations
d’hivernant, ce dépouillement de sons, de tâches et de pulsions, ce chant de
lumières éclairantes ou aveuglantes, ce repos du cœur et du corps, cette
lenteur des gestes et des émotions, cette tendresse des heures, ces relectures
dépassionnées pour savourer un bien-senti, un bien-dit, un bien-pensé.
Bien sûr c’est encore meilleur après une année remplie en
réjouissances et réalisations douces et diverses et avant une autre qui
n’annonce aucune urgence, aucune trépidance, aucune souciance, aucune
importance. C’est ainsi que l’on peut s’adonner à la pause, à la rêverie, à la
célébration de l’ermitage en hiver en montagne en retraité frugal et apaisé.
Alors l’hibernation cesse d’être cette saison
« difficile à passer » pour devenir la cerise sur le gâteau, l’auberge
des recueillements et des renaissances, des deuils aussi et, peut-être, des
retours sur page : une tranche de contemplation de paysages où s´égarer,
une plage de feu de bois où se dorer, un bréviaire d’heures où se promener, une
musique de mots où s’étonner, un festin de souvenances où se gaver, un duvet de
langueurs où se plonger, un grenier de vieilleries où se rhabiller…
Ouf, les limites de ce billet sont atteintes : je
peux vous libérer.
Las Fayas, le vendredi 16 janvier 2015
Finalement, c'est plus facile d'écrire que de monter au cyberburon pour poster...
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