Qu’est-ce que j’en ai profité de mes dernières nuits à La
Ceiba, au Honduras, où j’étais venu me perdre pour donner un coup de main à
l’ami Humberto. Je savais qu’en France le grand froid s’installait alors que la
côte atlantique du Honduras offrait son meilleur climat de l’année : ni
chaud ni froid, même pas besoin d’un ventilateur. Je dormais à poil sur le lit,
savourant ces moments de liberté du corps avant d’avoir à me couvrir de sept ou
huit couches différentes pour supporter les fortes gelées de mon buron
français. Chaque jour je consultais la météo et je savais que m’attendait une
température entre moins quinze et moins vingt.
Quarante degrés de différence en quelques heures c’est
beaucoup. Même quand on croyait être entraîné : en arrivant à Paris le
jeudi 2 février, j’ai pris une grosse claque gelée dans la gueule ; en
voulant rallumer mon portable avec des gants je l’ai mis en panne ; sans
téléphone pour bien coordonner, à Troyes j’ai dû choper le seul taxi présent
pour qu’il m’emporte dans une maison chaude, celle de mon frère, parce que je
ne supportais pas l’attente glaciale.
En Champagne je suis resté une journée de plus que prévu,
sous prétexte de veiller sur ma mère. Mais il fallait bien affronter : le
dimanche 5 j’ai conduit les huit heures qui me séparent qui me séparent des
Fayes. Bon, pas exactement des Fayes ; la neige empêchait évidemment de monter
en voiture au buron ; j’ai laissé ma bécane au Perrier où finit le bitume,
j’ai chaussé les raquettes et j’ai grimpé, le sac à dos sur les épaules et la
valise à la main. Vingt fois je me suis arrêté pour me reposer et pour bouger
mes mains congelées malgré gants et sous-gants.
Ne croyez que j’aille me plaindre car, s’il fut dur
d’arriver, qu’il fut bon… d’être arrivé ! Point trop de neige : je
n’ai pas eu à creuser pour atteindre la poignée de la porte d’entrée. Les
panneaux solaires étaient dégagés et les batteries chargées. Dedans il ne
faisait que moins trois, le Thierry était préparé et il a suffi d’une
demi-heure pour atteindre plus un.
J’avais déjà eu l’occasion d’arriver après une vague de
grand froid mais c’était la première fois que je faisais pendant l’ère
glaciaire : l’aventure ! Et que d’apprentissages…
Malgré mes précautions de bien vidanger tous les tuyaux
et même de démonter le compteur d’eau, tout le système était congelé. Il m’a
fallu chauffer pendant vingt-quatre heures, avec le petit poêle à pétrole,
tronçon par tronçon des moins de huit mètres de plomberie pour rétablir enfin
un fonctionnement normal.
Avec le gaz de la cuisinière, il en fut de même : le
dimanche je rêvais d’un bon café mais je n’obtenais qu’une petite flamme
maigrichonne ; j’ai pensé que la bouteille serait vide mais j’ai quand
même essayé de la réchauffer un peu et elle m’a démontrée qu’elle n’était
qu’engourdie.
C’est ainsi qu’hier lundi fut une journée très
spéciale : je l’ai passée à bouger le poêle à pétrole le long des tuyaux
et à charger le Thierry avec mon meilleur bois de feu pour atteindre une
température agréable. J’ai délaissé toutes les autres urgences pour me
consacrer à câliner le buron, à me faire pardonner l’absence. A peine si je
m’éloignais un peu pour tracer des chemins dans la neige, rentrer des bûches,
accueillir lumières et rayons du soleil, déguster café ou apéro en terrasse.
Et le buron m’a remercié. Ce matin du mardi, à sept
heures, j’ai battu mon record : vingt trois degrés de différence entre
intérieur et extérieur ; plus sept dedans et moins seize dehors. Et je
peux le dire : depuis que je suis arrivé je n’ai jamais eu vraiment
froid !
Les Fayes, le mardi 7 février 2012
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire