mardi 6 décembre 2011

9. Couleurs et provisions sont les grâces de l’automne


Amis et voisins m’avaient prévenu: dés la fin octobre il peut, à n’importe quel moment, neiger de telle manière qu’il n’y aura plus d’accès routier pour tout l’hiver. L’urgence de monter les réserves vitales pour cette saison m’avait servi de prétexte pour une autre urgence : mes envies de goûter un peu les couleurs de l’automne dans mon ermitage. Ce fut une de mes rares exigences en septembre, à l’heure de concerter mon voyage au Caucase : être présent pour les derniers jours d’octobre.

Je ne suis rentré que le 19 octobre et je me suis senti frustré : les feux de l’automne n’avaient guère roussi les arbres ; ce n’était pas l’incendie attendu. C’est là que j’ai appris qu’à cette altitude le transit des pigments est très rapide ; d’ailleurs l’année trop sèche n’a pas aidé au chant des feuilles ; et puis… Mais le gel qui accompagnait mon arrivée promettait une évolution accélérée.

Je me suis donc consacré à acheter et transporter le plus indispensable: des vivres pour l’estomac; du combustible pour les poêles du corps ; du vin pour l’âme. Faut pas croire, ça prend du temps : qui sait ce qui importe le plus ? ; et combien ?

Il y a aussi les opportunités à saisir : avec mon voisin Jean-Baptiste nous avons encore acheté du bois pour garantir des maisons douces. Alors les tâches se multiplient ; tout monter ave la remorque ; couper à la taille du poêle ; ranger dans un coin sec, donc dans la grange-buron. Oh, ce ne furent pas énormément d’heures mais… j’ai acheté un chevalet de sciage et il m’a donc fallu un bon moment pour étudier les instructions, faire le montage (je ne me suis trompé qu’une fois !), apprentir son usage…

D’autant plus que la bête me permet de commencer à débiter tant de petites branches qui ne sont ni bonnes ni pratiques pour le poêle mais que, après tant d’années à voir des gens souffrir dans les Andes faute de bois de feu, je ne peux me résoudre à les laisser se perdre…

Sans parler des heures à adapter et protéger le fruit de mes travaux antérieurs. Arranger, transporter ou recomposer les divers tas provisoires de l’été m’a demandé beaucoup d’imagination et de temps. Mais quel orgueil quand finalement j’ai pris la photo du bûcher principal, du hêtre de cette année, placé sur ma nouvelle plate-forme, bien protégé par une bâche.

Finalement? En novembre l’automne s’est décidé à nous offrir quelques rigueurs, en vent et tempête cette fois. Oui, de vrais grands vents. Si grands qu’ils ont envolé ma bâche, ont dénudé mon bûcher et m’ont couvert de honte !

Les arbres aussi se sont dénudés. Mais, avant cela, oui j’ai pu réjouir mon être aux ardeurs de ses tableaux changeants.

 C’est ainsi que j’ai atteint mes buts: l’automne, des réserves pour l’hiver. Mon bûcher est à nouveau couvert. Mes dépôts sont pleins. J’ai tout vérifié avant de repartir pour le Caucase. C’est là que j’ai constaté l’abondance des apéros et digestifs engrangés peu à peu. Quelle horreur ? Allons ! Pour décrire mes journées en buron j’avais adopté le slogan : Matinées lyriques ; Après-midis physiques. Puis, un peu comme une blague, un peu par sincérité, j’avais ajouté : Soirées alcooliques. Alors, il faut bien que je m’exécute !

Original en espagnol à Erevan (Arménie), le dimanche 13 novembre 2011

1 commentaire:

  1. Désolé du retard, je n'arrivais plus à charger les billets...

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